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mercredi 10 août 2011

Chronique du Nouvelliste du 10 août 2011

«Le Café Romand»
Denis Pittet, journaliste *

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’évoquer ici un événement lausannois d’importance qui s’est déroulé il y a un peu plus de trois mois: la remise du café «Romand» par sa patronne, Christiane Péclat. L’établissement avait été ouvert par son papa, Louis Péclat, en 1951! Qu’on le veuille ou non et même si le repreneur s’est engagé à «maintenir l’esprit des lieux» (tous les repreneurs disent ça), c’est la fin d’une épopée de plus de 60 ans!
«Le Romand» à Lausanne a fait partie des lieux mythiques de la ville, comme «La Pinte Besson», «Le Central» à l’époque ou encore «La Pomme de Pin» ou même le bar le «PF» (Pré Fleuri, sur l’av. d’Ouchy). Toutes les grandes villes possèdent leurs bistrots mythiques et s’ils sont mythiques, c’est essentiellement parce qu’ils ne changent pas. Il y a des génies qui veulent toujours tout changer et il y a des sages qui misent sur la continuité. Tout le paradoxe de l’époque est bien là: tout va plus vite, mais les gens ont besoin de repères et en matière de repères, le «Romand» méritait la médaille d’or.
La réussite, c’est une équipe qui dure, c’est une patronne omniprésente, c’est l’assurance d’être reçu avec constance, c’est une cuisine régulière et vaudoise. C’est aussi un emplacement à l’angle ouest de la place Saint-François, ce qui est le seul vrai centre de Lausanne depuis toujours. «Le Romand», aussi loin que je me souvienne, n’a jamais changé durant les 40 ans que je l’ai fréquenté, plus ou moins assidûment.
J’adorais pousser la porte du Romand dans les années 80, étudiant, en hiver. Une véritable Madeleine de Proust: du froid, on passait au chaud, une fumée incroyable, mélangée à une odeur suave de fondue ou de papet, et le chant assourdissant de dizaines de conversations toutes plus importantes les unes que les autres. Du Gamay, du Goron, du blanc et puis cette incroyable fresque qui ornait le mur du fond du «Romand», où l’on voit un vigneron contempler le Léman… Cette peinture a donné naissance à plus d’une tirade un brin inspirée et à de sacrés fous rires.
* Délégué à la communication du département de l’Intérieur vaudois




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